Quand le Général De Gaulle est venu en visite officielle en Avignon, il fut reçu en ”grande pompe” à la préfecture, et j’ai eu l’insigne honneur de le servir.

A l’époque, j’officiais même en cuisine, j’avais investi celle de la Préfecture, située au 1er étage, avec une fenêtre au-dessus de l’entrée de service donnant dans la toute petite rue Collège du Roure. Coup de sonnette. J’ouvre la fenêtre et ne vois que des casques de CRS ! Au 3ème coup de sonnette, je descends furieux, ouvre la porte et me trouve face à un clochard, devant un rideau de CRS goguenards… Un vrai clochard, bien sale, qui, d’une voix vineuse me demande ”si c’est bien ici que l’on fait le coq au vin parce qu’on lui a demandé d’apporter du sang aux cuisiniers de la préfecture ”. Dans son esprit, du sang aux cuisines, cela ne pouvait être que pour cuisiner un coq au vin ! Il ouvre un vieux sac en jute et j’aperçois au fond une boîte blanche avec une croix rouge. Je comprends alors que cette boîte n’est autre que le plasma pour le Général au cas où…Je prends la boîte, l’ouvre et mets le flacon dans le réfrigérateur, puis retourne à mes fourneaux. Le repas se passe merveilleusement bien, j’ai même droit aux félicitations du Général quand il rejoint ses appartements. Monsieur Escande, le Préfet, me propose de venir boire une coupe de champagne avec les derniers invités : Commissaire divisionnaire, Chef de la sécurité, Colonel de Gendarmerie… Je raconte l’histoire du ”coq au vin”. Ces messieurs de la sécurité deviennent verdâtres et le Divisionnaire, totalement abasourdi, part aussitôt promettant des explications pour le lendemain.

Pour bien comprendre la suite, il faut savoir que pour la venue du Général, la Préfecture était un véritable camp retranché et que les arcades des Halles, place Pie étaient squattées par des clochards qui avaient comme ”petit gagne pain” la livraison des commandes des restaurateurs.

L’explication est la suivante : le dispensaire chargé de livrer le plasma à la Préfecture étant à rue des Lices, la camionnette du dispensaire fut systématiquement refoulée à tous les barrages de police et finalement le directeur eut l’idée de confier cette délicate mission à un des clochards des Halles, qui lui passa sans problème tous les contrôles, très fier de participer ”au coq au vin de la Préfecture”.

Par Helen Louis